Bon alors t'étais où?

Pendant que Jay s'amusait de son côté avec une vampire, il y avait une humaine qui l'attendait avec impatience, une impatience qui se manifestait par des regards nerveux vers l'horloge et des allées et venues intempestives dans la pièce. Ignorant tout des activités de son compagnon, elle avait souhaité l'attendre, pour espérer passer du temps avec lui. Mais rien. Il a trop tardé, alors elle a regardé un film, vautrée dans le canapé, avant de s'endormir, exténuée, inquiète aussi et passablement énervée. Il était vraiment nul ce film en plus. Des vampires qui brillent et qui boivent du sang animal, des ados aux coupes de cheveux improbables et des loups garous bodybuildés....Elle n'a pas résisté longtemps. Elle s'est réveillée, en pleine nuit, constatant que la télé ne fonctionnait plus et qu'elle était toujours seule. Super. Elle se saisit du téléphone et composa le numéro de Jay, pour savoir si au moins il comptait rentrer ce soir ou pas.

-....Jay?

Elle est nerveuse et agressive, fatiguée et il pourra parfaitement l'entendre au message qu'elle lui laisse.

-T'as intérêt à ramener tes miches ici. Ne crois que je vais passer ma vie à t'attendre hein. Tu reviens. Tout de suite.

Elle raccrocha et jeta son portable sur le canapé, la mine boudeuse, avachie dans son canapé, espérant voir son portable s'éclairer par un appel en retour. Ou mieux encore qu'il passe le pas de la porte pour enfin la prendre dans ses bras.

-Tu fais chier Jeremiah.

-Non mais je rêve!

Elle se leva et fonça directement sur lui pour observer sa tenue qui n'avait plus rien d'une tenue, soyons honnête, et elle pointa du doigt, un long doigt fin, les traces de sang qui le couvrent ici et là. L'ancienne démone tape du pied sur le sol, puis croise les doigts, en pétard.

-Bonsoir chéri, moi aussi j'ai passé une bonne soirée à t'attendre et à regarder des navets. Tu m'as manqué aussi,. Ha pardon. C'est pas ce que j'ai entendu.

Elle sifflait, vraiment, mais vraiment pas contente du tout. Et il y a de quoi. Rentrer si tard, puis sans autre mot que ce froid accueil...pardon mais ça ne passe pas. Pas pour Calirith qu'il avait habituée à d'autres égards.

-Je peux savoir d'où tu viens et pourquoi tu es dans cet état? Tu t'es battu ou bien? Alors?

Calirith ne cessait de tourner autour de lui, furieuse, observant chaque détail.

-C'est quoi tout ce sang?

-...b...BEBE???

Elle ne put vraiment s'empêcher de le gifler. Il le fait exprès c'est sûr, il n'y a pas d'autres explications. La main s'abattit sur le démon, aussi froidement que possible, essuyant ses lèvres sur lesquelles un goût ignoble de lait et de sang venait de se poser.

-Putain, Jay, mais c'est quoi ça? Cette odeur et ce gout? T'as mangé du rat crevé ou bien?

C'est un fait, Jay sent tout simplement la mort. Parce qu'il a couché avec une morte. Vilain nécrophile. Elle secoua sa main et la planqua dans la manche de son pull, indignée par son attitude rustre de vieux macho.

-Tu sais que je t'ai attendu toute la nuit? Tu e répondais à rien, aucun de mes appels ou de mes messages. Et tu reviens ici, la fleur au bec, en m'appelant bébé et en me disant que tu vas prendre un bain? C'est une blague?

Elle ne le laissera pas partir avant d'avoir une réponse satisfaisante, c'est sûr.

-Je veux savoir où tu étais exactement. Et avec qui.

La voilà qui le surveille maintenant, c'est le monde à l'envers.

Tu te moques de moi en fait, c'est ça n'est-ce pas?

Cette gifle-là il ne l'avait pas vu venir et sa joue partie avec, alors qu'il dévisageait Calirith comme si elle avait soudainement perdu la raison, il n'était pas à même de se rendre compte à quel point son odeur ou même son haleine pouvait être déplaisante en cet instant pour une simple humaine, il est vrai qu'il avait vécu une aventure qui sortait de l'ordinaire ce soir mais l'ancienne démone n'était surement plus à même de comprendre les choix qu'il avait fait sur le tas.. Il savait qu'il avait mal agit en un sens mais il n'éprouvait pas de regrets pour autant, aussi étrange que ça puisse paraitre, pour la première fois depuis qu'elle l'avait transformé, il s'était senti en communion parfaite avec sa nature, en présence d'un vampire certes, c'était pour ainsi dire un étrange coup du destin et il se mit à ricaner bêtement en se rendant compte de sa bêtise, ça avait été une sacré partie de jambes en l'air en tout cas, la meilleure depuis.. il était incapable de se rappeler de la dernière fois qu'il s'était autant amusé.

- Tu es en train de me faire une scène ! Je rêve ou tu es en train de me faire une scène Calirith Ismodiam ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'as pas confiance en moi ?

Jay avait froncé les sourcils par réflexe, bien qu'il trouvait cette scène plus amusante qu'autre chose, la jeune humaine semblait vraiment furibonde et il se pinça les lèvres avant de hausser les épaules.

- Comme tu veux. J'ai passé une bonne partie de ma soirée avec une vieille amie, vampire et je me suis éclaté comme c'est pas permis ! Voilà, tu es contente ?

-Une vieille amie vampire? Pardon? Tu fricotes avec les vampires? J'ai bien fait de me méfier!

Elle fit à nouveau les cent pas face à lui, en gesticulant, à la manière clichée de ces femmes du sud qui montrent leur jalousie et leur colère de cette manière. Le plus triste dans cette histoire, c'est que la jeune humaine sent qu'elle perd le contrôle et qu'il lui échappe, toutes les nuits un peu plus. Calirith ne parvient tout simplement plus garder Jay pour elle, et toute sa frustration se manifeste comme ça, par les cris, les injures et des crises terribles. Malheureusement, la situation est inversée désormais. C'est elle qui souffre de son attitude, et lui qui prend toutes les libertés. Intolérable. Absurde. Cet état de faits la ronge tout autant que la franche indifférence dont il fait preuve à son égard. Et elle n'en peut plus. Voyant que toutes ses invectives ne portent de toute façon pas leurs fruits, elle en ressent une souffrance morale indescriptible, se sachant maintenant devenue la sous espèce humaine qui sert de buffet et rien d'autre. Indigne d'être aimée. Indigne de lui tout simplement. En se disant tout cela, elle finit par ralentir sa marche excessive et s'arrêta, pour le regarder de la tête aux pieds. Il est terrible. Beau. Séduisant. Un regard de braise. Décoiffé. Plein de ressources. Et se regarda elle. Petite. Chose fragile. Qui saigne. Et qui n'a plus rien pour elle, même pas un petit pouvoir, ni même quelque chose de positif. Bilan fatal.

-ça devait finir par arriver.

Elle cessa les cris, les reproches, les insultes, et tourna les talons, résignée, pour récupérer ses escarpins, jetés là bas dans un coin du salon. Il n'y a plus de colère, elle est retombée comme un soufflé. Finalement, elle est devenue plus humaine que prévu. N'est-ce pas?

-Ma présence ici ne t'importe même plus, en fait. Tu es devenu un vrai démon. Comme je l'ai toujours voulu. Avant. Je savais qu'à force, je finirais par disparaître de tes priorités, et c'est normal. J'aurais juste espéré que tu te battes un peu plus. Il faut croire que l'amour, finalement, c'est pour les imbéciles. Et les humains.

Elle se releva et prit le manteau qui se trouvait sur le dossier d'une chaise et continua, le visage fermé:

-J'aurais jamais du faire de toi un démon. Tu n'es plus celui que j'aimais assez pour tout sacrifier.

Elle avait enfilé son manteau et son écharpe, le temps qu'il lui sorte toutes ces horreurs. Ce qui lui fit esquisser un sourire. Un pauvre sourire bien entendu.

-Si c'est égoïste de vouloir passer du temps avec la personne qu'on aime, alors oui, désolée d'avoir été égoïste.

Calirith récupéra son portable sur le canapé avec un calme effrayant et le fourra dans son sac à main.

-Tu as raison, nous n'avons strictement plus rien en commun. Et c'est de ma faute. J'ai été bête de croire que ton coeur survivrait à une épreuve comme celle là.

Et ce fut tout. Elle se redressa, le regarda encore, secoua la tête et prit la porte pour s'en aller, rentrer chez elle, enfin du moins si on considère que cet immense appartement est bien chez elle. Quand elle ferma la porte, le bruit de la porte résonna en écho dans son esprit et ce son ne la quitta pas tout le temps qu'elle descendit l'escalier. Arrivée sur le trottoir, elle fourra ses mains dans ses poches et enfonça son nez dans son écharpe, pour rentrer chez elle. Elle savait qu'il ne la suivrait pas, elle ne s'attend plus à rien de sa part, pas après la flagrante démonstration de son indifférence. Ce n'est que lorsqu'elle fut chez elle qu'elle craqua. C'était trop dur. Passer des siècles sans l'once d'un sentiment pour se retrouver submergée 'un seul coup par tout l'éventail émotionnel humain est bien trop lourd à porter pour elle. Elle n'a personne à qui se confier, pas d'amis, plus de compagnon, pas même un animal de compagnie, rien. Il ne reste que Malicia, le dernier vestige de ce que fut autrefois sa grandeur, abandonnée dans un coin de son salon désert. Elle la regarda, et la prit soudain entre ses mains, pour la caresser. Il ne se passait plus rien à son contact, ce n'était plus qu'une lame morte, à la semblance de l'âme de Calirith.

-J'aurais jamais du mettre un pied ici. Tuas gagné Mère.

La jeune humaine passa la main sur le tranchant de la lame, ce qui lui ouvrit la main sur toute la largeur de la paume.

-Prends le. Je me suis trompée, tu avais raison. L'Amour n'existe pas, chez les démons.

Son sang roula, épais, sur la longue arme ouvragée, un mouvement que Calirith observa mornement, abattue.

-Tu as ce que tu voulais, j'ai perdu. Alors viens. Ramène moi à la maison. Fais moi oublier tout cela.

Aucun mouvement dans la pièce, rien ni personne ne semble entendre son appel. Pas même Aluka. Pas même Darne. Même pas Lucifer.

-Même pour ça, tu ne viendras pas...Tant pis, je me débrouillerai autrement pour rentrer.